De nombreux présidents ont oeuvré pour le développement et la pérennité du Stade Rochelais
GEORGE HENRY JACKSON À L’IMPULSION (1904-1911)
Nommé consul des États-Unis à La Rochelle en 1898, l’année de la création de la société de sports athlétique « Stade Rochelais, » George Henry Jackson intègre le comité technique, avant de présider cette société omnisports de décembre 1904 à avril 1911. Il donne l’impulsion à la section rugby, convainc les édiles des bienfaits des sports de plein air, met la main à l’escarcelle pour financer les équipements et les déplacements des Stadistes et négocie un lieu central de pratique, le Champ de sports de Trianon, facilement accessible pour la notabilité rochelaise. Il renforce l’équipe de rugby en facilitant la venue de jeunes pratiquants britanniques qui initient les militaires des garnisons voisines et les lycéens de Fromentin aux subtilités de la discipline, puis promeut l’image de l’ovalie en accueillant régulièrement des équipes anglaises à Trianon. Ambassadeur charismatique de ce sport dans le Comité de l’Atlantique, il est contraint de céder à contrecœur la présidence du Stade Rochelais en avril 1911, après le vote d’une loi par le gouvernement de son pays interdisant à tout citoyen américain de siéger dans une association étrangère.
GEORGES PLANTARD POUR UNE « OPÉRATION SURVIE » (1930-1937 puis 1938-1939)
Pendant l’entre-deux-guerres, le Stade Rochelais végète dans un Championnat des Charentes de première ou de deuxième série peu attractif. Ballotté dans le gros temps et affaibli par les « rivalités de classe » nourries par les ouvriers portuaires de l’Union Sportive La Rochelle-Pallice, le club Jaune et Noir périclite. La valse des présidents traduit cette instabilité patente. Pas moins de huit présidents se succéderont entre 1920 et 1930, jusqu’à l’élection de Georges Plantard qui cumule le statut de joueur en exercice et de président. Georges Plantard préside aux destinées du Stade Rochelais de mai 1930 à juin 1935 puis, après avoir remisé les crampons, copréside la fusion « Union-Stade Rochelais » aux côtés de Valentin Gaillepand de juin 1935 à mai 1937, après l’avènement de La Rochelle XIII amateur. Cette opération de survie assurée, il prendra une année sabbatique avant de retrouver la présidence de mai 1938 à juin 1939.
MARCEL DEFLANDRE LE PRÉSIDENT RÉSISTANT (1941-1943)
À la reprise des activités sportives en zone occupée, après l’invasion allemande, les treizistes de La Rochelle Étudiants XIII et les quinzistes de l’Union-Stade fusionnent le 10 janvier 1941, pour former le Stade Rochelais. Marcel Deflandre, directeur des Raffineries du Midi à La Pallice, est élu président de cette nouvelle entité. En octobre 1942, il rallie la résistance locale au sein du groupe « Honneur et Patrie » et détourne d’importantes quantités de carburant pour les réseaux locaux. Un an plus tard, il est arrêté par la Gestapo, sur dénonciation, le 9 octobre 1943. Transféré au Fort du Hâ, il sera condamné à mort et exécuté au camp de Souge, le 11 janvier 1944. Ce président charismatique, très proche de ses joueurs et soucieux de l’image attractive du club stadiste, assura une présidence dynamique, mais malheureusement écourtée, dans une période ô combien funeste.
ANDRÉ CAEN ET LES DÉRIVES DE L’ÉCURIE DE COURSES (1950-1953)
Après avoir assumé le statut de président délégué depuis l’arrestation de Marcel Deflandre en octobre 1943, et ce, jusqu’à la reprise des rebonds ovales en septembre 1945, André Caen est porté à la présidence du Stade Rochelais en juin 1950. Après une ascension fulgurante et l’accession à la Fédérale, le niveau national le plus élevé, le club stadiste gère le court terme et entend se maintenir dans l’élite du rugby français, quels qu’en soient les moyens. Les apports extérieurs de « passagers voyageurs », sollicités par des mécènes locaux en quête de valorisation, ne permettent pas l’émergence d’une identité stadiste, et pire, l’argent divise les hommes. Les opportunistes dispendieux creusent un déficit alarmant, « couvert » par le président André Caen. Le réquisitoire sera sans concession, alors que le déficit annoncé approche les 1,2 million de francs. Les dérives de « l’écurie de courses », fatales au comité directeur et à son président, imposent un changement radical de cap.
ROBERT AUBARBIER À LA RELANCE PUIS AU REDRESSEMENT (1945-1950 puis 1953-1956)
Président de la section rugby de septembre 1945 à septembre 1948, lors de la reprise des activités sportives fédérées au sein de l’Entente sportive Cheminots Rochelais (ESCR), puis président du Stade Rochelais de septembre 1948 à juin 1950, Robert Aubarbier est dans un premier temps l’homme de la relance. Puis, après les excès et les dérives dénoncés lors d’une assemblée générale houleuse en août 1953, il retrouve la présidence et succède à André Caen, avec pour unique objectif la mise en œuvre d’un plan d’assainissement et de redressement moral, sportif et financier. Les errements des trois saisons mégalomaniaques qui ont mené le club à la ruine font place à une rigueur janséniste et une austérité budgétaire, assumées par le président Aubarbier et son nouveau comité directeur. La formation, l’éducation et l’engagement désintéressé sont les valeurs fondamentales de la « révolution culturelle » engagée.
RENÉ CHEVALIER, PREMIER PRÉSIDENT DE LA MODERNITÉ (1964-1974)
Après avoir présidé l’importante commission sportive de juin 1957 à juin 1964, René Chevalier assure la présidence du Stade Rochelais de juin 1964 à juin 1974. Il s’applique à demeurer la conscience et le garant des valeurs, de l’éthique et de l’identité stadistes, tout en œuvrant au développement de l’école de rugby rochelaise comme nécessité vitale d’éducation, de formation et de pérennisation du club, objectif prioritaire dans son esprit. Il forme avec son ami Pouyfourcat et l’apôtre du rugby local Arnaud Élissalde un triumvirat qui portera le club aux plus hautes destinées sportives, une décennie durant. Aux côtés de Jacques Larrose, il sera l’initiateur et la cheville ouvrière du journal Allez Stade, imprimé sur les presses de son entreprise. Diplomate et pragmatique, René Chevalier connaît les hommes et sait parfaitement ce qu’il peut en attendre. Cet homme engagé au service de son sport dans la cité, écouté et respecté, ne se départit jamais d’une indéfectible ténacité et d’un sens aigu de la loyauté dans l’intérêt général de son club de cœur. Avec le recul du temps, il peut être considéré comme le premier président de la modernité.
JACQUES LARROSE POUR UNE NOUVELLE POLITIQUE SPORTIVE (1979-1986)
Joueur, éducateur des premières heures au sein de l’école de rugby naissante en 1953, puis rédacteur en chef du journal Allez Stade dès sa création en septembre 1958, Jacques Larrose est porté à la présidence du Stade Rochelais en juin 1979 après la démission de Jean Tassin. Dans une période de fragilisation où les notions d’efficacité et de rentabilité viennent contester certaines attitudes ancestrales confinant au repli sur soi et à l’isolement, le président Larrose s’efforce d’ouvrir le club stadiste et de compenser l’appauvrissement qualitatif des joueurs du cru par un recrutement extérieur et une prospection vers les clubs des comités voisins. C’est une nouvelle politique sportive qui s’impose pour faire face à un potentiel amoindri sans trop contrevenir aux fondements identitaires de la Caravelle.
Les conformistes, adeptes d’un protectionnisme absolu, et les progressistes, favorables à la venue d’étrangers au club Jaune et Noir – tels le Gallois Karl Moose et le Néo-Zélandais Jim Kururangi –, obligent le président Larrose à un grand écart permanent qu’il tentera d’assumer sans trop de remous jusqu’en 1986 et la relégation du club dans le groupe B.
YVAN CARIS LE PREMIER PRÉSIDENT RECRUTEUR À L’ÉTRANGER (1986-1991)
Élu président du club stadiste en mai 1986, Yvan Caris annonce une nouvelle politique sportive ambitieuse pour un seul objectif : la remontée dans le groupe A. Après la venue avortée du capitaine des Blacks Graham Mourie en 1977, le président Caris prône l’union sacrée pour une politique ambitieuse avant d’activer une nouvelle fois la piste néo-zélandaise et accueillir Greg Coffey, le maori Tala Kele, Steve Hansen – l’actuel entraîneur des All Blacks – puis l’Irlandais Mc Ardle, l’Écossais Stephen Alcorn et le Fidjien Sagata.
Yvan Caris est l’instigateur des Rugby-folies en 1986 et 1988 et des Blacks-folies en 1990, des moments de grande festivité rugbystique et de valorisation de l’image stadiste au cœur de la cité, au prix de dépenses préoccupantes. Si le Stade Rochelais renoue un temps avec le groupe A en 1989 et 1990, après des poules de brassage fructueuses, les dérives culturelles et financières atteignent la côte d’alerte avec un déficit avoisinant 1,2 million de francs. Cet égarement fait grincer des dents et aura raison du mandat du président Caris, contraint de passer la main en juillet 1991.
VINCENT MERLING POUR RENOUER AVEC LES VALEURS STADISTES ET GRANDIR ENSEMBLE (1991...)
Une équipe de quadras issue du sérail reprend les rênes et le jeune président Vincent Merling élu en juillet 1991 remet le Stade Rochelais sur le bon cap avec un recadrage financier, une gestion rigoureuse et le retour prioritaire à la formation et à l’éducation, dans le respect des valeurs stadistes. La construction et l’ouverture d’un centre de formation en juillet 1996 attestent cette détermination. Suivront la remontée dans le groupe A, le Top 20, quelques correctifs pour pérenniser la caravelle au plus haut niveau et l’internationalisation de l’effectif pour répondre au resserrement de l’élite. Président du Stade Rochelais depuis 25 ans puis de l’entité professionnelle depuis 2013, le président Merling met au service de son club ses aptitudes à anticiper le développement, à se projeter dans de nouveaux projets et à s’entourer de personnes compétentes, sans se départir de la patience indispensable à toute construction collective. La glorieuse incertitude du sport est intégrée aux stratégies qui poussent le club vers l’excellence, qu’elles soient structurelles, financières, juridiques ou économiques. Et c’est là toute la sagesse et l’ambition raisonnée d’un président et de son équipe, maîtrisant tout à la fois les aléas de la compétition et la nécessité absolue de grandir ensemble.
Texte rédigé par Jean-Michel Blaizeau, historien